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The Witcher en série(s) :
concurrences et interdépendances transfictionnelles au prisme de l’adaptation (2019)

Communication avec Aurélie Huz dans le cadre du colloque Mondes imaginaires et univers transmédiatiques, Université de Toulon, 7 au 9 avril 2020.

Sortie en décembre 2019, la série Netflix The Witcher a relancé l’engagement dans un univers de fantasy construit à partir de 1990 par les romans et nouvelles de l’écrivain polonais Andrzej Sapkowski et venu à la célébrité internationale par la trilogie vidéoludique sequel de CD Projekt (2007, 2011, 2015). Considéré depuis ce moment transmédiatique récent qui en remodèle l’écosystème transfictionnel (Saint-Gelais, 2011), cet ensemble met en lumière des fonctionnements généraux trop peu étudiés des univers transmédias, que l’éclatement des productions dans le temps, entre les acteurs de production, et l’emprise des discours sur les œuvres rendent ici particulièrement visibles et lisibles.
Le réseau « The Witcher » oblige en effet à envisager les hétérogénéités, les discontinuités et les divergences qui traversent conjointement les discours de production et de réception, ainsi que les contributions des œuvres à l’élaboration d’une encyclopédique partagée. Par ce corpus stratégique, nous questionnerons la pertinence du concept de « transmédia » défini par Jenkins (2013) comme la maximisation de l’effet de monde produite par une logique narrative (« storytelling ») d’extensions coordonnées, complémentaires et cumulatives à travers les supports. Dans « The Witcher », les relations entre acteurs de production configurent la construction du monde (Letourneux, 2017) : la série s’affiche stratégiquement comme adaptation des livres, en rupture avec les jeux vidéo, mais ses porosités sémiotiques, pragmatiques et esthétiques avec ces derniers montrent qu’elle compose pourtant avec ce jalon transmédia prégnant. Les rapports de force interdiscursifs, qui portent sur la légitimité à déterminer le canon, créent un espace de négociation transfictionnelle où les œuvres orchestrent des séries diégétiques à la fois concurrentes et interdépendantes.
Envisagée comme déclinaison ou « conservation » du matériau narratif (Ryan, 2017) contre la vision maximaliste de Hutcheon (2013), intégrée à un complexe réseau transmédiatique qui en diffracte les effets (trans)fictionnels, l’adaptation contribue à construire le monde, indiquant que l’enrichissement d’un univers transmédiatique ne passe pas nécessairement par son expansion narrative (Klastrup & Tosca, 2004 ; Di Filippo, 2017). La série The Witcher permet d’étudier l’enrichissement encyclopédique ou expérientiel engagé par le double plaisir de la diversification (médiatique) et de la reconnaissance (narrative). En renversant la vision additive du transmédia jenkinsien, elle suggère encore davantage : que cet enrichissement adaptatif réponde à une logique de soustraction. La série orchestre une simplification de l’univers « The Witcher », sélectionnant et recomposant des éléments du monde pour en proposer une expérience nouvelle, synthétique et compréhensible.

Corpus d’étude restreint

Bibliographie