Communication au colloque « Les langages du jeu vidéo : codes, discours et images en jeu », Université de Lausanne, 24 au 26 octobre 2019
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Souvent défini comme genre vidéoludique, le Visual Novel emprunte sa dénomination générique à la littérature. Inscrite dans l’axe 5 du colloque, cette communication se propose d’étudier la manière dont ce type de récit reprend certaines conventions littéraires et les hybride avec des codes vidéoludiques en étudiant les différentes composantes de son système sémiotique. Le Visual Novel est ainsi au confluent de nombreuses cultures médiatiques.
D’abord, on peut observer dans sa structure la présence de conventions bédéistiques qui témoignent de sa proximité avec le manga et de sa naissance au Japon. Hyeshin Kim (2009) souligne ainsi leur parenté, visuelle notamment, avec le shojo, qui est un genre de bande dessinée historiquement japonais destiné aux jeunes filles et qui traite, dans la majorité des cas, d’histoires d’amour.
Cependant, la présence de marqueurs ludiques, comme les énigmes ou les récompenses, met à distance le Visual Novel des formes diverses de littérature numérique (Bouchardon, 2012) et tend à le rattacher aux jeux vidéo. Emily Taylor (2007) note ainsi qu’il est historiquement proche des dating-sims, jeux de simulation de drague, et on peut remarquer que ces deux genres lient les dialogues avec un système numérique qui permet d’évaluer les choix de l’utilisateur. L’héritage vidéoludique est cependant loin d’être unique. Dani Cavallaro (2010) soutient que le Visual Novel est plus proche des jeux de rôle. L’étude de la structure du récit à embranchement, commune aux deux genres, irait dans ce sens.
Il serait alors tentant de constituer une liste des influences qu’ont les genres vidéoludiques sur le Visual Novel pour montrer en quoi il s’inscrit dans cette culture. Pourtant, certaines caractéristiques structurelles, comme l’importance accordée au texte ou, de manière plus importante, le degré d’interactivité faible (Arsenault, 2005) sont souvent évoquées afin de lui refuser une légitimité au sein de la culture vidéoludique – au moins en Occident où il se propage progressivement depuis son berceau asiatique. Il s’agit alors de ne pas forcer le Visual Novel au sein d’une seule catégorie et il est possible de considérer, comme Marta Tyminska, qu’il est le point de convergence entre le jeu vidéo et la littérature, le moment où les deux cultures médiatiques partagent un même langage. Il faudra donc remarquer que les codes vidéoludiques et les codes littéraires ne sont pas subordonnés les uns aux autres mais imbriqués harmonieusement. Je soutiendrais que les hésitations dans la définition de l’objet sont peut-être le symptôme du bourgeonnement d’une nouvelle culture médiatique.
En ce qui concerne le média vidéoludique, qui n’est alors plus nouveau, étudier un objet à la marge comme le Visual Novel permet paradoxalement de révéler ce qui fait le propre du langage du jeu vidéo au sein d’un champ médiatique marqué par la remédiation des formes (Bolter et Grusin, 1999) et la circulation des contenu (Jenkins, 2013). Sans adopter une conception essentialiste du média, cela permet de repérer les caractéristiques qui font du jeu vidéo un pôle d’attraction (Maigret, 2013) autour duquel chaque œuvre gravite plus ou moins loin.